Préface des Éditions de Londres

« Voyages » d’Ibn Battûta est le récit des voyages que fit Ibn Battûta, originaire de Tanger, dans les pays musulmans et jusqu’en Chine entre 1325 et 1354.

Le titre complet de ce récit est : « Un cadeau pour ceux qui contemplent les splendeurs des cités et les merveilles des voyages ».

L’intérêt de ce récit réside dans la connaissance qu’apporte l’auteur sur la vie dans les pays musulmans au Moyen Âge.

Ibn Battûta n’a pas écrit lui-même ce récit même s’il prenait certainement des notes. Il a raconté ses voyages à son retour au Maroc à Ibn Djozay qui en a fait la transcription.

Ce texte retraçant les souvenirs de voyage d’Ibn Battûta à l’issue de trente années de pérégrinations comporte certainement un certain nombre de confusions et d’imprécisions dans les noms cités et dans la chronologie.

La version que nous proposons est tirée de la traduction faite par C. Defrémery et B. R. Sanguinetti en 1874. Nous avons modernisé certaines expressions et utilisé autant que possible le nom actuel des localités citées afin de faciliter la compréhension du texte.

Les voyages d’Ibn Battûta.

Ibn Battûta entreprend son premier voyage en 1325 à l’âge de 22 ans avec comme but le pèlerinage à la Mecque (hajj). Il part seul pour ce voyage. Il part de Tanger où il est né, traverse le Maghreb jusqu’à Tunis où il se joint à une caravane partant pour la Mecque. Il traverse la Libye puis l’Égypte. Il traverse la Haute-Égypte en longeant le Nil avec l’intention de rejoindre la Mecque par Djeddah, mais il ne peut pas traverser la mer Rouge pour cause de guerre et retourne au Caire. Il passe alors par Jérusalem et la Syrie où il visite Alep puis il revient à Damas. De Damas, il se joint à la caravane partant pour le Hedjaz. La caravane part le 1er septembre 1326 de Damas pour Médine en passant par Tabouk. Ibn Battûta visite à Médine le mausolée de Mahomet puis se rend à la Mecque.

Il repart de la Mecque avec une caravane allant à Bagdad en passant par le mausolée d’Ali. Il quitte la caravane après la visite du mausolée pour se diriger vers Bassorah. Ensuite, il visite la Perse et se rend à Ispahan où il se trouve en mai 1327. Il se dirige ensuite vers Chiraz.

Puis il se rend à Bagdad, capitale du califat abbasside, ravagée par les Mongols en 1258. En attendant que la caravane pour le pèlerinage à la Mecque soit prête à partir, il va visiter Mossoul.

Revenu à Bagdad, il se joint à la caravane qui part pour la Mecque. Il reste trois années à la Mecque de 1327 à 1330.

Il repart alors de la Mecque en se dirigeant vers Djeddah. Il embarque pour se diriger vers le Yémen. La tempête lui fait traverser la mer Rouge et il se retrouve à Sawakin au Soudan. Il embarque à nouveau à Sawakin pour arriver à la ville de Zebid au Yémen.

Il traverse le Yémen jusqu’au port d’Aden. Là, il s’embarque pour visiter les ports d’Afrique : Zeilah (Somalie), Mogadiscio (Somalie), Mombasa (Kenya), Kilwa (Tanzanie).

Il revient ensuite par bateau dans la ville de Zhafar au Yémen. Puis il traverse l’Oman et se rend à Ormuz. De là, il fait une incursion en Perse jusqu’à la ville de Siraf où il découvre les pêcheurs de perles. Il traverse à nouveau le golfe Persique jusqu’à Bahreïn.

Il repart alors pour faire son troisième pèlerinage à la Mecque en 1332.

Après le pèlerinage, il revient à Djeddah pour traverser la mer Rouge. Il traverse l’Égypte, visite à nouveau Jérusalem, longe la côte du Liban puis prend un bateau pour se rendre en Turquie.

Il débarque en Turquie à Alanya. Il visite de nombreuses villes de Turquie et termine sa visite à Sinope. De là, il traverse la mer Noire pour se rendre à Eski-Qirim en Crimée.

Il se dirige ensuite vers les États de la Horde d’or qui se trouvaient au nord et nord-est de la mer Noire. Il rencontre le sultan Özbeg qui régnait alors sur la Horde d’or.

Il fait un voyage vers la ville de Bolgar, au nord, pour constater la brièveté de la nuit.

Puis il se rend avec le sultan Özbeg jusqu’à Astrakan au bord de la mer Caspienne.

D’Astrakan, il part vers Constantinople en accompagnant l’une des épouses du sultan, originaire de Constantinople. Il reste environ un mois à Constantinople puis rejoint le sultan Özbeg dans sa capitale Sarai.

De Sarai, Ibn Battûta se rend à Khwarezm (Ouzbékistan) en traversant le désert pendant quarante jours. Il se rend ensuite à Bukhara qui a été dévastée par les Mongols de Gengis Khan. Puis, il se rend à Samarkand.

Il arrive ensuite dans la ville de Balkh dans le Khorassan (aujourd’hui l’Afghanistan). Il traverse l’Afghanistan jusqu’à Kaboul qui a été détruite et n’est plus qu’un petit village. Il traverse alors le désert pendant quinze jours pour arriver dans le Sind (province du Pakistan) avant d’entrer en Inde. On est en septembre 1333. Il y visite les villes de Sehwan et Multan.

À Multan, il attend pendant deux mois l’autorisation de se rendre en Inde à Dehli.

Il part alors pour Dehli dans le but d’être au service du sultan Mohammed Tughlûq. Il y a quarante jours de trajet entre Multan et Dehli.

Le troisième tome fait la description de Dehli, y raconte les occupations d’Ibn Batttûta à Dehli et retrace l’histoire de Dehli.

Ibn Battûta est nommé Kadi à Dehli. Il y reste jusqu’en 1342. Le sultan lui demande alors d’être son ambassadeur pour porter des cadeaux au roi de Chine.

Ibn Battûta part le 22 juillet 1342 pour Cambay où il doit s’embarquer pour la Chine avec une importante délégation et les cadeaux destinés au roi de Chine. En chemin, il doit s’arrêter à Coul pour combattre une troupe d’hindous rebelles. Il y attend des instructions du sultan pour continuer sa route. Pendant cette attente, il est capturé par des hindous, il réussit à s’échapper, mais il se perd et il lui faut plus d’une semaine pour rejoindre ses compagnons. Ils reprennent alors la route de Cambay.

Près de Cambay, ils embarquent pour Calicut sur trois bateaux qui longent la côte ouest de l’Inde. À Calicut, ils doivent embarquer sur des navires chinois à destination de la chine. Ibn Battûta manque l’embarquement sur le navire où sont ses affaires et le navire sur lequel se trouve le cadeau à destination du roi de Chine fait naufrage dès le départ.

Ibn Battûta n’ose pas retourner à Dehli craignant la colère du sultan. Il rejoint le sultan d’Hinaour. Il reste trois mois à prier avec lui puis il part avec le sultan pour conquérir et islamiser l’île de Sendâboûr.

Il quitte ensuite Sandâboûr pour aller visiter les îles des Maldives. Il s’y installe à la demande du grand vizir et est nommé kadi. Un désaccord survient entre lui et le grand vizir et il décide de quitter les Maldives. En août 1344, il quitte les Maldives pour Ceylan.

À Ceylan, il fait le pèlerinage pour voir le Pied d’Adam (marque dans la roche attribuée à l’empreinte du pied du premier homme).

Il repart ensuite pour la côte de Coromandel qu’il aborde difficilement après avoir fait naufrage. Il se rend alors auprès du sultan de Coromandel à qui il propose une expédition pour conquérir les Maldives. Cette expédition ne se fera pas, car le sultan meurt et une épidémie ravage sa capitale.

Ibn Battûta retourne sur la côte ouest de l’Inde. En mer, il est attaqué par des pirates qui lui prennent tout ce qu’il possédait y compris toutes ses notes de voyage.

Il apprend que la femme qu’il a laissée aux Maldives a accouché d’un enfant mâle et décide de se rendre aux Maldives pour le récupérer.

Il décide finalement de ne pas emmener ce fils devant les réticences de la mère. Il repart des Maldives en direction du Bengale. Il débarque à l’embouchure du Gange dans la ville de Sodcâwân. De là, il se rend dans les montagnes du pays d’Assam rendre visite au cheikh Djélâl eddîn.

Il retourne ensuite sur la côte du Bengale en passant par Baranagar. Il s’embarque alors pour Sumatra puis il va à Java. De là, il reprend la mer, s’arrête vraisemblablement au Tonkin (Vietnam) puis arrive en Chine et débarque au port de Quanzhou.

Il va visiter Canton. Il reçoit l’invitation de l’empereur de Chine de se rendre à Pékin. Quand Ibn Battûta arrive à Pékin, l’empereur est absent, il est parti à la guerre et il a été tué. Le neveu de l’empereur prend le pouvoir, mais il est contesté et c’est le désordre dans toute la Chine.

Ibn Battûta décide de retourner en Inde. Il retourne à Quanzhou où il s’embarque pour l’Inde. La traversée est difficile et il accoste finalement à Sumatra après deux mois de navigation. Après deux mois à Sumatra, il reprend la mer pour accoster à Caoulem près de Calicut. Là, il évite de retourner à Delhi et s’embarque pour Zhafar au Yémen. De là, il retourne en Égypte en passant par Bagdad puis Damas.

Il revient ainsi à Damas vingt ans après l’avoir quittée. Il apprend que son père est mort depuis quinze ans et que sa mère est toujours vivante.

Il repasse à Jérusalem et arrive au Caire. De là, il remonte vers la haute Égypte, traverse la mer Rouge pour se rendre à Djeddah puis à la Mecque pour le pèlerinage de 1348.

Il retourne alors au Caire. Il se rend par mer jusqu’à Tunis. Puis il reprend la mer le long de l’Algérie. Il continue alors le voyage par la terre jusqu’à Fez où il arrive en novembre 1349.

Ayant appris la mort de sa mère, il se rend à Tanger pour visiter sa tombe. De là, il se rend à Ceuta pour traverser vers l’Andalousie voulant aller combattre les infidèles. À l’époque, les catholiques reconquièrent les territoires musulmans d’Andalousie. Après avoir visité l’Andalousie, il retourne au Maroc.

Après quelques mois passés au Maroc, Ibn Battûta repart en voyage, cette fois pour parcourir le Mali (qu’il appelle le Soudan). Il se rend à Sijilmassa à la frontière du Maroc et du Sahara. De là, il accompagne une caravane de marchands pour traverser le désert jusqu’à Teghazza puis Oualata. La traversée a duré deux mois, on est en 1352.

Il se rend ensuite à la capitale de l’empire du Mali qui regroupait alors Mali, Guinée, Sénégal, Gambie, Burkina Faso, Côte d’Ivoire et Mauritanie et dont la capitale était alors probablement la ville de Niani. Il y séjourne huit mois.

Il repart vers Tombouctou. De Tombouctou, il embarque sur le Niger pour naviguer jusqu’à Gao. Il se dirige ensuite vers Takedda (Niger).

À Takedda, il reçoit l’ordre du sultan du Maroc de rentrer au Maroc. Il se retrouve à Fez début 1354. C’est la fin de ses voyages.

Petit lexique

Faqîh : spécialiste de la jurisprudence, juriste ou jurisconsulte

Nakib : officier portant l’étendard de Mahomet.

Kadi : juge musulman civil et religieux.

Fakir : mendiant vivant d’aumônes.

Chérif : descendant de Mahomet par sa fille Fatima.

Émir : personne qui règne sur un territoire ou qui commande une armée.

Khatib : prédicateur qui fait le sermon lors de la prière du vendredi.

Imâm : chef religieux dirigeant la prière en commun.

Ouléma : docteur de la Loi coranique.

‘Asr : prière du milieu de l’après-midi.

Kiblah : direction de la Mecque

Zaouïa : établissement où vit une confrérie musulmane recevant généralement les voyageurs.

Sahih : recueil de texte authentique commentant l’Islam (hadiths).

Parasange : unité de distance d’environ six kilomètres.

Empan : unité de longueur d’environ 20 centimètres.

Coudée : unité de longueur d’environ 50 centimètres.

Situation du monde musulman entre 1325 et 1354.

L’islamisation s’est faite par des conquêtes militaires (Jihad) qui se sont déroulées sur plusieurs siècles.

Péninsule arabique : Elle est islamisée à la mort de Mahomet en 632.

Maghreb : islamisée dès le début du 8e siècle.

Espagne : les Maures musulmans conquièrent l’Espagne dès le début du 8e siècle. Ils remontent jusqu’à Poitiers où ils sont arrêtés en 732 par Charles Martel. L’Espagne sera reconquise par les chrétiens à partir du XIIe siècle jusqu’à la prise de Grenade en 1492.

Égypte : islamisation en 639 par le calife Omar ibn al-Khattâb.

Irak : islamisation sous le califat des Abbassides à partir de 750 avec la fondation de la capitale des Abbassides à Bagdad en remplacement de Damas. Constantinople resta la capitale de l’Empire romain d’Orient chrétien jusqu’à sa prise par les Ottomans en 1453.

Syrie : islamisation en 635 par le calife Omar ibn al-Khattâb.

Perse : L’islamisation commence en 637 avec ‘Umar. Elle est complète au IXe siècle.

Turquie : l’islamisation est présente depuis la seconde moitié du XIe siècle avec l’arrivée des Seldjoukides.

Crimée : la Horde d’or se convertit à l’islamisme au XIVe siècle sous le règne d’Özbeg.

Inde : La conquête islamique débute au XIe siècle. Le sultanat de Dehli est créé en 1206. La population est toutefois majoritairement non-musulmane. L’Inde restera islamisée jusqu’à la colonisation britannique.

Chine : Les musulmans ont commencé à s’installer en Chine dès le début du VIIIe siècle. Ce sont principalement des marchands musulmans qui s’installent en Chine. On estime qu’il y avait quatre millions de musulmans en Chine au XIVe siècle.